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La santé et la vie d’Alexeï Navalny sont en danger

L’éminent représentant de l’opposition et militant anticorruption Alexeï Navalny a été arrêté arbitrairement le 17 janvier 2021 après s’être remis d’un empoisonnement.

Il a ensuite été condamné à deux ans et demi de prison pour avoir « enfreint les conditions d’une condamnation avec sursis ». En prison, il est maltraité et privé de soins médicaux adaptés en dépit de la grave détérioration de son état de santé. Pour protester, il poursuit une grève de la faim qu’il a entamée le 31 mars. La détention d’Alexeï Navalny est illégale et motivée par des considérations politiques. Il doit être libéré immédiatement.

 

Alexeï Navalny est un homme politique d’opposition russe et un militant anticorruption. Il fait partie des voix les plus célèbres qui s’élèvent pour critiquer les autorités russes et a créé la Fondation anticorruption (connue sous le sigle FBK en Russie), qui a mené des enquêtes sur des cas de corruption concernant des hauts responsables ainsi que des personnalités politiques et des hommes d’affaires de premier plan en Russie. Alexeï Navalny et nombre de personnes employées par la FBK ou collaborant avec elle ont fait l’objet de représailles, notamment d’accusations pénales et administratives forgées de toutes pièces, de descentes de police et de perquisitions au domicile, de violences physiques et de conscription militaire sélective.

En 2014, Alexeï Navalny a été déclaré coupable d’accusations de fraude motivées par des considérations politiques et condamné à une peine de trois ans et six mois d’emprisonnement avec sursis, assortie d’une mise à l’épreuve. La Cour européenne des droits de l’homme a statué par la suite que cette condamnation était « arbitraire et manifestement déraisonnable » (Navalny c. Russie, n° 101/15, §83, 5 mars 2018), et qu’en maintenant Alexeï Navalny à résidence pendant 10 mois avant sa condamnation, les autorités russes avaient poursuivi un « but inavoué », à savoir « supprimer le pluralisme politique » (Navalny c. Russie (N° 2), §98, n° 43734/14). La Cour suprême de Russie a ordonné la tenue d’un nouveau procès, qui n’a pas pris en compte les violations des droits humains mises en évidence par la Cour européenne des droits de l’homme et a confirmé la peine initiale.

Le 20 août 2020, l’état de santé d’Alexeï Navalny s’est fortement dégradé au cours d’un vol reliant Tomsk (Sibérie) à Moscou. Le 22 août 2020, à la demande pressante de sa famille et après une vigoureuse campagne nationale et internationale en sa faveur, Alexeï Navalny, dans le coma, a été transféré à Berlin, en Allemagne, pour y être soigné. Le président Vladimir Poutine a par la suite affirmé qu’il était intervenu personnellement pour autoriser ce transfert. Alexeï Navalny s’est peu à peu rétabli en Allemagne et a quitté l’hôpital pour poursuivre sa convalescence. Des experts de plusieurs gouvernements, des organisations internationales et des rapporteurs spéciaux (y compris la rapporteuse spéciale de l’époque sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires Agnès Callamard) ont conclu qu’Alexeï Navalny avait été empoisonné par l’agent neurotoxique de type militaire Novitchok et ont pointé la responsabilité des autorités russes pour cet empoisonnement.

Le 17 janvier 2021, Alexeï Navalny est retourné à Moscou, où il a été arrêté au contrôle à la frontière, accusé d’avoir enfreint les conditions de sa mise à l’épreuve en ne se présentant pas aux autorités pénitentiaires. Des manifestations de grande ampleur, très majoritairement pacifiques, ont été organisées un peu partout en Russie en janvier et en février 2021 pour dénoncer son arrestation. Au cours de ces actions de protestation, plus de 11 000 personnes ont été arrêtées arbitrairement, souvent par un recours excessif à la force. Plus de 1 000 manifestant·e·s pacifiques ont été placés en « détention administrative » à l’issue de procès iniques et détenus dans des conditions inhumaines. Un certain nombre de sympathisant·e·s célèbres d’Alexeï Navalny et de personnes ayant collaboré avec lui, ainsi que d’autres manifestant·e·s, sont sous le coup de charges pénales liées aux manifestations.

Le 2 février 2021, un tribunal de Moscou a ordonné l’emprisonnement d’Alexeï Navalny pendant deux ans et huit mois (une peine ensuite réduite de deux mois) pour avoir « enfreint les conditions d’une condamnation avec sursis ». Il a été envoyé dans la colonie pénitentiaire IK-2, dans l’oblast de Vladimir, à environ 100 kilomètres à l’est de Moscou, où il est toujours détenu.

LETTRE

Monsieur le Président,

Je vous écris concernant la détention illégale du représentant de l’opposition et militant anticorruption Alexeï Navalny, qui a été arrêté le 17 janvier 2021 et envoyé dans une colonie pénitentiaire pour deux ans et six mois pour avoir « enfreint les conditions d’une condamnation avec sursis ».

La détention d’Alexeï Navalny est arbitraire, illégale et motivée par des considérations politiques. La Cour européenne des droits de l’homme a statué que cette condamnation était « arbitraire et manifestement déraisonnable » et a ensuite appelé les autorités russes à libérer immédiatement Alexeï Navalny. Les instructions de la Cour européenne des droits de l’homme ont jusque-là été ignorées.

L’état de santé d’Alexeï Navalny s’est dégradé depuis qu’il est emprisonné. Les autorités pénitentiaires l’auraient réveillé toutes les heures pour des « contrôles » nocturnes injustifiés, le privant ainsi de sommeil. Malgré les nombreuses demandes, il a jusque-là été privé de soins médicaux adaptés, notamment de visites du médecin de son choix et des médicaments ou des traitements dont il a besoin. Il souffre de douleurs invalidantes dans le dos et d’une insensibilité dans les jambes, et son état semble empirer chaque jour. Pour protester contre le refus des autorités de le laisser consulter un médecin de son choix, Alexeï Navalny a entamé une grève de la faim le 31 mars. Le 5 avril, souffrant d’une forte fièvre et d’une toux, il a été transféré vers un hôpital pénitentiaire.

Le fait de ne pas fournir à des détenu·e·s un accès adapté et libre à des soins médicaux et de les priver de sommeil peut constituer de la torture et de mauvais traitements. La torture est un crime au regard du droit international et toutes les personnes qui s’en rendent responsables sont susceptibles d’être poursuivies dans d’autres pays dans lesquels elles se rendront à l’avenir si ces pays ont mis en place des mesures à ces fins.

En tant que président de la Fédération de Russie, je vous demande instamment d’user de votre autorité pour :

  • faire en sorte qu’Alexeï Navalny soit libéré immédiatement ;
  • en attendant sa libération, veiller à ce qu’il soit examiné par des médecins spécialistes qualifiés et indépendants de son choix et à ce qu’il reçoive le traitement médical que ces médecins auront prescrit, y compris dans un établissement médical civil, si nécessaire ;
  • veiller à ce qu’une enquête immédiate et efficace soit menée sur les conditions de détention d’Alexeï Navalny, notamment sur les allégations de privation de sommeil par des « contrôles » nocturnes toutes les heures et sur la privation de traitements médicaux, et faire en sorte que les responsables soient amenés à rendre des comptes.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de ma haute considération,

APPELS À

Président de la Fédération de Russie
Vladimir Vladimirovich Putin
Ilyinka St. 23
103132 Moscow, Russie
Formulaire en ligne : http://en.letters.kremlin.ru/ (en anglais)
http://letters.kremlin.ru/letters/send (en russe)
Twitter : @KremlinRussia

COPIES À

M. Vladimir PROSKURYAKOV
Ministre-conseiller et Chargé d'affaires, a.i.
Ambassade de la Fédération de Russie
285 Charlotte Street
Ottawa, ON K1N 8L5
Tél: (613) 235-4341/236-1413 (24H) Fax: (613) 236-6342
Courriel: info@rusembassy.ca

Marc Garneau
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  marc.garneau@parl.gc.ca