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#EndSARS : Il faut enquêter sur les homicides de manifestant·e·s

Depuis le 8 octobre, les Nigérian·ne·s descendent dans les rues pour réclamer pacifiquement la fin des brutalités policières, des exécutions extrajudiciaires et des extorsions dont se rend responsable la Brigade spéciale de répression des vols (SARS), unité de la police nigériane chargée de lutter contre la criminalité violente. Ils se heurtent à un usage excessif de la force par l’armée et les forces de police.

Le 20 octobre, au moins 12 manifestant·e·s pacifiques auraient été abattus lorsque l’armée a ouvert le feu sur des milliers de manifestant·e·s qui réclamaient dans le cadre du mouvement #EndSARS que cessent les brutalités policières. Les autorités doivent immédiatement mettre un terme aux homicides et à l’usage excessif de la force contre les manifestant·e·s pacifiques à travers le pays et s’engager à donner suite aux revendications concernant la réforme de la police et l’obligation de rendre des comptes pour les violences policières.

Amnistie internationale surveille l’évolution de la situation au Nigeria depuis que les manifestations du mouvement #EndSARS ont débuté le 8 octobre 2020. Au moins 56 personnes seraient mortes à travers le pays depuis le début des manifestations et 38 d’entre elles auraient été tuées au cours de la seule journée du 20 octobre. Dans de nombreux cas, les forces de sécurité avaient recouru à une force excessive dans le but de stopper ces rassemblements.

En réaction aux manifestations organisées à travers le pays, l’Inspecteur général de la police a dissous le 11 octobre 2020 la Brigade spéciale de répression des vols (SARS) et demandé que tous ses agents soient immédiatement redéployés au sein d’autres unités. Malgré cette déclaration et la répression de plus en plus brutale des manifestations, des milliers de Nigérian·ne·s continuent de manifester. Ils réclament la libération de tous les manifestant·e·s arrêtés, la justice pour les victimes de brutalité policières et une indemnisation adéquate pour les victimes et leurs familles, ainsi que des poursuites judiciaires contre les personnes soupçonnées d’en être responsables.

Au cours des cinq dernières années, le gouvernement fédéral a promis à plusieurs reprises de réformer la SARS. Malgré ces promesses de réforme et d’obligation de rendre des comptes pour les violations commises, le rapport d’Amnistie internationale montre que les agents de la SARS continuent de bafouer les droits humains en toute impunité.

LETTRE

Monsieur le Président,

Je vous écris pour vous faire part de ma vive préoccupation concernant les informations qui font état d’homicides de manifestant·e·s pacifiques du mouvement #EndSARS dans plusieurs régions du Nigeria.

Le 20 octobre, entre 18h45 et 21 heures, l’armée et la police nigérianes auraient tué au moins 12 manifestant·e·s pacifiques et fait plusieurs blessés à Lekki et Alasusa, deux sites de la capitale Lagos. Elles ont en effet ouvert le feu sans sommation sur les milliers de personnes qui réclamaient pacifiquement une bonne gouvernance et la fin des brutalités policières, dans le cadre du mouvement #EndSARS.

Depuis le 8 octobre, les manifestant·e·s occupent les rues des grandes villes et des localités dans 21 États à travers le pays, réclamant la fin des brutalités policières, des exécutions extrajudiciaires et des extorsions imputables à la Brigade spéciale de répression des vols (SARS), unité de la police nigériane chargée de lutter contre la criminalité violente. Les manifestations, qui ont éclaté en réaction à une vidéo virale montrant des agents de la SARS abattre un jeune homme le 3 octobre, se sont transformées en mouvement national en faveur d’une réforme de la police. Toutefois, les manifestant·e·s se heurtent constamment à un usage excessif de la force, notamment des tirs à balles réelles, des canons à eau, les tirs de gaz lacrymogènes dans la foule, les coups et les arrestations, actes qui se sont traduits par des morts et des blessés. Cette force excessive contre les manifestant·e·s pacifiques est contraire à la Constitution nigériane de 1999 [dans sa version modifiée] et aux normes internationales qui protègent les droits à la vie et à la dignité, et le droit de réunion pacifique.

À la lumière de ce qui précède, je vous prie instamment de :

  • ordonner publiquement que les membres des forces de l’ordre et des forces armées cessent de se livrer à des homicides et à un recours excessif à la force contre les manifestant·e·s pacifiques à travers le pays ;
  • mener dans les meilleurs délais une enquête approfondie, impartiale, efficace et transparente sur tous les cas de violations des droits humains imputables à la police, notamment les homicides illégaux des manifestant·e·s du mouvement #EndSARS, et traduire en justice tous les auteurs présumés d’homicides et d’agressions de manifestant·e·s ;
  • garantir l’accès à la justice et à des recours utiles aux victimes et à leurs familles ;
  • s’engager publiquement à mettre en œuvre les revendications des manifestant·e·s, notamment : mettre fin aux brutalités policières, garantir l’obligation de rendre des comptes pour les homicides extrajudiciaires, les viols, la torture et les extorsions imputables à des agents de la SARS, et réformer la police en général.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma haute considération,

APPELS À

Président Muhammadu Buhari
Président et Commandant en chef des forces armées nigérianes
Bureau du Président de la République fédérale
Aso Rock Villa, Abuja, Nigeria
Courriel : info@statehouse.gov.ng

COPIES À

Son Excellence M. Adeyinka Olatokunbo ASEKUN, Haut-commissaire
Haut-commissariat de la République fédérale du Nigéria
295, rue Metcalfe 
Ottawa (Ontario) K2P 1R9
Courriel : chancery@nigeriahcottawa.ca  

François-Philippe Champagne
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel : Francois-Philippe.Champagne@parl.gc.ca