Des communautés rurales et l’environnement sont en danger

Le 12 avril 2021, le président Ivan Duque a signé le décret n° 380, qui autorise la reprise des pulvérisations de glyphosate pour éradiquer les cultures de plantes illicites.
Cette politique, interrompue en 2015 en raison de ses conséquences néfastes pour les droits humains et l'environnement, risque de porter atteinte au droit à la santé et à d'autres droits connexes de centaines de communautés paysannes et d’avoir d'autres incidences environnementales dans le pays. Amnistie Internationale appelle le Conseil national de lutte contre les stupéfiants à faire le nécessaire pour que les pulvérisations aériennes de glyphosate soient immédiatement suspendues.
En 2017, dans l’arrêt T-236, la Cour constitutionnelle colombienne a statué que des éléments permettaient d'affirmer, à titre provisoire, que le glyphosate était une substance toxique qui, à certains degrés d'exposition, pouvait provoquer le cancer ou avoir d'autres conséquences sur la santé. L’arrêt définissait également des conditions à respecter avant de recourir à la pulvérisation aérienne pour détruire des cultures de plantes illicites.
En 2019, la Cour constitutionnelle a publié la résolution 387, dans laquelle elle statuait que le gouvernement avait pour obligation de faire primer la substitution volontaire sur les méthodes violentes d'éradication forcée. La Cour a aussi établi que la pulvérisation aérienne de glyphosate ne devait être utilisée qu’en dernier recours, en cas d’échec de la substitution volontaire et de l'éradication manuelle. Elle a également décidé que le gouvernement colombien devait formuler une décision sur la reprise de la pulvérisation aérienne dans le cadre du point 4 (« Solution au problème des stupéfiants ») des Accords de paix, signés par le gouvernement colombien et les FARC-EP en 2016.
Le 17 décembre 2020, 10 experts indépendants des Nations unies ont envoyé une lettre au président colombien, demandant au gouvernement de ne pas reprendre la pulvérisation aérienne de glyphosate sur les cultures illicites, car cela présenterait « d'énormes risques » pour les droits humains et l'environnement, irait à l’encontre de l'Accord de paix et pourrait être contraire aux obligations de la Colombie en vertu du droit international relatif aux droits humains.
En 2020, le gouvernement n'a pas mis en œuvre de manière notable les programmes de substitution volontaire des cultures, un élément clé de l'Accord de paix. Au contraire, le gouvernement s’est fixé comme objectif d’éradiquer de force la production de coca sur plus de 130 000 hectares à l’aide de l’armée. En juillet 2020, Amnistie Internationale a publié un communiqué de presse appelant le gouvernement à mettre fin aux opérations d'épandage au sol dans les plantations de coca, qui risquaient d’entraîner des violations des droits fondamentaux des communautés paysannes qui dépendent de la coca pour leur subsistance. De plus, Amnistie Internationale a fait valoir que le lancement d'un processus d'éradication forcée des cultures envenimerait la situation de conflit dans le pays et mettrait les communautés rurales et les dirigeants de la société civile dans une situation plus dangereuse encore.
Malgré l'état d’urgence sanitaire déclaré en raison du COVID-19 et les ordonnances gouvernementales relatives à l’isolement obligatoire, ainsi que les nombreuses demandes déposées par plusieurs organisations de la société civile en vue de la suspension de l'éradication forcée des cultures de coca pendant l'état d’urgence sanitaire, les autorités ont procédé à de telles opérations d’éradication dans au moins sept départements du pays.
LETTRE
Monsieur le Ministre,
Je vous écris pour vous faire part de mon inquiétude pour la santé et la sécurité de milliers de personnes dont les droits seront menacés si le gouvernement colombien reprend l'éradication des cultures de plantes illicites par pulvérisation aérienne de glyphosate. La Colombie doit veiller à ce que les efforts déployés pour prévenir la culture illicite de plantes servant à fabriquer des drogues ou pour éliminer les cultures de plantes illicites ne portent pas atteinte aux droits fondamentaux, notamment ceux des communautés paysannes dont la subsistance dépend de ces cultures.
Il est bien établi que l'utilisation du glyphosate a eu de graves répercussions sur l'environnement et sur les droits fondamentaux de milliers de personnes, comme le droit à la vie, à la santé, à l'eau, à un environnement sain et sûr et à un niveau de vie suffisant. L'éradication forcée des cultures illégales au moyen du glyphosate envenimera la situation de conflit dans le pays, rendant les communautés rurales encore plus vulnérables.
Je vous appelle à convenir immédiatement d'une suspension de la pulvérisation aérienne de glyphosate et à ne pas adopter de politiques en matière de lutte contre les stupéfiants qui nuisent aux personnes. En ce sens, je vous invite à privilégier l’élaboration de politiques visant à remédier aux causes socioéconomiques sous-jacentes qui amènent des personnes à pratiquer ces cultures, et à éviter de pérenniser la pauvreté et le dénuement au sein de ces communautés. Le gouvernement doit apporter aux communautés paysannes qui dépendent de ces cultures le soutien nécessaire pour qu’elles se tournent vers des solutions de substitution économiquement viables et durables et pour réaliser leur droit au travail et à un niveau de vie suffisant. Les programmes de substitution volontaire, reconnus dans l’Accord de paix, se sont avérés plus durables et plus efficaces pour la protection des droits fondamentaux des communautés.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de ma haute considération,
APPELS À
Mr Wilson Ruiz Orejuela
Ministre de la Justice et du Droit
Président du Conseil national de lutte contre les stupéfiants
Courriel : servicioalcliente@minjusticia.gov.co
Tél. : +57 1 2368025
N/A Cl. 53 #1327, Bogotá, Colombie
Twitter : @WilsonRuizO
COPIES À
M. Jorge Alberto Julian LONDONO DE LA CUESTA
Ambassadeur
Ambassade de la République de Colombie
360 Albert Street, Suite 1002
Ottawa, ON K1R 7X7
Tél: (613) 230-3760 Fax: (613) 230-4416
Courriel: ecanada@cancilleria.gov.co
Marc Garneau
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel: marc.garneau@parl.gc.ca