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L'histoire de Miguel et Bénédicte

Découvrez les témoignages de deux personnes migrantes interrogées par Amnistie internationale Canada Francophone dans le cadre de son rapport. Ayant travaillé au Canada dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), les histoires de Miguel et Bénédicte sont des exemples concrets des abus que peuvent subir les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires, mais ce ne sont pas les seuls...

« Avec un permis fermé, on est comme des esclaves. »

— Miguel

Miguel, un homme d'Amérique centrale titulaire d'un visa de deux ans dans le cadre du volet des postes à bas salaire du PTET, a subi des formes graves de contrôle de la part de son employeur : il a confisqué son passeport et a installé des caméras à l'intérieur des conteneurs où il vivait.

Il a également été trompé par son employeur, qui lui avait promis des semaines de travail de 40 heures, un salaire de 13,50 dollars par heure, un logement gratuit et la possibilité de faire venir sa famille plus tard, alors qu'en réalité, il vivait dans des conditions extrêmement précaires, travaillait entre 60 et 72 heures par semaine sans repos suffisant et était largement sous-payé.

L'employeur a assigné à Miguel des tâches sans aucun lien avec les attributions de son permis. À la fin du premier mois de travail, l'employeur a transféré Miguel sur une autre ferme au motif qu'il n'avait plus assez de travail pour lui. Dans la pratique, Miguel s'est retrouvé à exercer deux emplois : il travaillait à la ferme, pour un autre employeur, et il devait laver les camions à son retour de la ferme. Il devait être disponible à tout moment pour son employeur, qui faisait parfois irruption dans son logement sans y avoir été invité, à l'improviste, et lui disait : « Allez, au travail ».

Les menaces et autres formes de violences verbales étaient fréquentes, notamment des menaces de rapatriement. Miguel a décidé de recueillir des preuves de sa situation et les a transmises à l'agence de recrutement dans son pays d'origine. Lorsque l'employeur s'en est aperçu, il a mis fin à son contrats avant son terme. Il lui a versé un dernier salaire et l'a informé qu'il retournait dans son pays le jour même. L'un des chauffeurs de l'entreprise a conduit Miguel à l'aéroport.

Il n'a jamais embarqué à bord de l'avion et a réussi à rester au Canada. Il a dénoncé à la police les atteintes aux droits humains qu'il a subies et a obtenu un permis de travail ouvert.

« Je ne m'attendais pas à être une esclave ici. On m'a fait des promesses. Tout ce que j'ai supporté dans l'espoir d'avoir mes enfants [au Canada]. Ça faisait presque deux ans et je savais qu'aucune de ces promesses n'allait se réaliser. »

— Bénédicte-Carole

Après que son futur employeur lui eut promis la résidence permanente au Canada, Bénédicte, une Camerounaise mère de deux enfants, a versé 10 000 dollars canadiens de frais de recrutement à un Camerounais - son recruteur - avant de se rendre au Canada. Elle a déclaré à Amnistie internationale avoir signé un contrat où étaient précisés un salaire, des périodes de repos et des congés et où étaient anticipés un logement, un véhicule et une place de parking.

Bénédicte est arrivée au Canada en septembre 2016, avec un visa de deux ans lié à un employeur pour travailler dans un élevage de volailles. Elle a indiqué qu'à son arrivée, son employeur lui avait dit que le contrat qu'elle avait signé n'était pas valide, l'informant également qu'elle devait travailler sept jours par semaine et être à sa disposition. Par ailleurs, il lui a dit qu'elle n'avait pas le droit de quitter la maison ou d'avoir un téléphone portable, en raison de son statut de migrante.

Bénédicte travaillait environ 70 à 80 heures par semaine. Elle exécutait des tâches domestiques et des travaux de jardinage au domicile de son employeur, en plus des travaux agricoles, alors que son contrat prévoyait qu'elle fasse uniquement du travail agricole. Elle a déclaré ne jamais avoir eu aucun congé ni aucun jour de repos et avoir été étroitement contrôlée par son employeur et par le recruteur, qui avait accès à ses cartes bancaires et retirait de l'argent de son compte. Elle a expliqué qu'elle n'était autorisée à quitter la maison qu'une fois par semaine, pour faire ses courses, en étant toujours accompagnée de son recruteur. Son employeur entrait dans son logement à l'improviste pour inspecter sa chambre.

Il l'a harcelée et agressée sexuellement. Elle a expliqué à Amnistie internationale qu'à son arrivée au Canada, son recruteur lui avait dit qu'elle devait être à la disposition de son employeur pour lui rendre des services sexuels. Elle a ajouté qu'elle subissait des agressions sexuelles physiques et psychologiques de son employeur. Lorsqu'une autre jeune femme camerounaise est arrivée, Bénédicte a été transférée vers des tâches agricoles, alors que la nouvelle travailleuse restait au domicile de l'employeur pour effectuer des travaux domestiques. Selon Bénédicte, il lui a également infligé un harcèlement sexuel. Elle travaillait et vivait dans un climat de peur, d'intimidation et d'atteintes aux droits humains. Malgré tout, elle avait le sentiment de n'avoir pas d'autre choix que de respecter son contrat, car l'employeur lui avait promis de parrainer ses enfants pour qu'ils viennent au Canada et la menaçait de la faire rapatrier si elle se plaignait.

Au bout d'un an et sept mois, Bénédicte est tombée malade.

« Je commençais à faiblir, à tomber malade. Normal, avec nos rythmes de travail, parce que je travaillais à l'ébénisterie, je travaillais à la ferme, il m'emmenait travailler chez son fils et il avait besoin de moi à la maison; je devais être là. C'était devenu très épuisant pour moi ».

Son employeur lui a dit que si elle tombait malade, il la renverrait dans son pays. Un autre membre du personnel a dû la conduire à l'hôpital, où le médecin lui a diagnostiqué une anémie sévère.

Quand Bénédicte a finalement quitté la ferme, en juillet 2018, son employeur a annulé son visa, la laissant dans une situation irrégulière au regard de la législation sur l'immigration. Bénédicte a obtenu la résidence permanente en 2021.