• Viêt-Nam

Pham Doan Trang - Livres comme l'Air

PORTRAIT DE L'AUTRICE

Pham Doan Trang a été condamnée à neuf ans de prison le 14 décembre 2021 pour avoir « fabriqué, conservé, distribuer ou disséminé des informations, des documents et des objets hostiles à la République socialiste du Viêt-Nam. » Le 26 octobre 2021, 28 organisations de défense des droits humains, parmi lesquelles Amnistie internationale, ont demandé la libération immédiate et sans condition de Pham Doan Trang. Elle est l’auteure de plusieurs livres portant sur divers sujets, de questions touchant les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres, aux droits des femmes, en passant par le militantisme, les problèmes environnementaux et le droit à la terre.  

Signez la pétition pour demander aux autorités qu'elles libèrent Pham Doan Trang immédiatement et sans conditions !

Jumelée à Anne-Marie Duquette

Anne-Marie Duquette est doctorante en lettres de l'Université du Québec à Trois-Rivières, chargée de cours en création littéraire et membre de plusieurs laboratoires de recherche sur la littérature contemporaine. En 2009, elle publiait Contre-temps, un court premier roman "avec un rythme poétique et un style qui ne se relâchent jamais" (Geneviève Roux, Les libraires). Les fleurs sauvages n'ont de sauvage que le nom est son deuxième roman. 

Autres informations

Retrouvez Anne-Marie Duquette au Salon du Livre de Trois-Rivières, qui se tiendra du 21 au 24 mars 2024 au CECi de l'Hôtel Delta Trois-Rivières par Marriott. 

EN SAVOIR PLUS

Chère Pham Doan Trang, 

Je te dédicace aujourd’hui mon livre. Une petite forêt bordée par des bosquets de fleurs sauvages, indomptables, qui par milliers absorbent et reflètent la lumière. C’est peu de choses, au milieu de la tourmente lente qui t’assaille. Presque à mi-chemin de ta peine de prison, le temps doit te paraître affreusement long, vide, vain. On t’a arrêtée un mois après la parution de ton enquête journalistique sur le massacre perpétré par la police dans un village près d’Hanoï. Tu y dénonces entre autres les inadéquations entre les propos rapportés par la police dans les médias et ceux rapportés par les villageois.e.s présent.e.s lors de l’attaque. 

Tu n’étais pas surprise, en 2021, quand tu as reçu ta peine de prison. Tu t’y attendais; elle t’attendait. Ça faisait déjà plusieurs années que tu étais dans la mire des autorités. En 2015, la police t’a battue si violemment qu’il t’a fallu des béquilles pour te déplacer dans les mois qui ont suivi la rencontre; en 2018, tu as été hospitalisée après avoir été torturée en garde à vue. En 2020, on t’a détenue dans l’attente de ton procès, qui surviendrait plus de 434 jours plus tard, sans te donner accès à ta famille ni à un avocat. L’incarcération, c’était donc prévisible.  

Ce qui l’est moins, c’est les conditions dans lesquelles tu es enfermée. Depuis plus de trois ans, tu subis les contrecoups des différents virus contractés entre ces murs. Il est de notoriété publique que les détenu.e.s des prisons vietnamiennes meurent couramment de maladies qui courent dans le huis clos. Tu as attrapé la covid-19, qui se déploie en version longue et dont tu ressens toujours les effets. Tu es également aux prises avec des kystes ovariens et des ménorragies importantes, et on te refuse traitements et consultation. Tu fonds, tu perds du poids; on te force à disparaître.  

Et pourtant, tu es là.  

On parle de toi aux nouvelles, à l’ONU, À Amnistie internationale, au Pen Center. On parle de toi jusqu’au Salon du livre de Trois-Rivières. On te voit, on t’entend, on t’écoute. Partout tu rayonnes. 

Les fleurs médicinales sont des espèces indigènes, libres, qui se reproduisent à foison. Au Québec comme ailleurs, on les foule du talon sans le savoir, on les bannit du jardin pour les jeter en forêt, on veut à tout prix les contrôler. Mais la vérité, c’est que les fleurs ne sont pas que des ornements. Elles poussent, piquent, brûlent, et se répandent, et se répandent, et cette force-là est incontrôlable. Courage dans ta cellule, chère fleur sauvage.  

Bientôt la fenêtre viendra à toi. 

En attendant, je te laisse ce petit bouquet que j’ai créé, formé d’espèces disparates. Sans doute te seront-elles inutiles, là où tu es. Mais j’aime croire qu’en prison, l’inutile devient politique. Par chance, l’art s’immisce partout. 

Bien à toi, 

 

Anne-Marie Duquette  

LIVRES COMME L'AIR

Dans le cadre du projet Livres comme l’Air, des écrivain·e·s québécois témoignent leur solidarité à des écrivain·e·s emprisonnés ou menacés à travers le monde en leur rédigeant des dédicaces. 

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