• Iran

26 personnes risquent d'être exécutées en lien avec les manifestations

CONTEXTE

Au moins 26 personnes risquent d’être exécutées en lien avec la vague de soulèvement qui balaie le pays, alors que les autorités iraniennes ont déjà exécuté arbitrairement deux personnes condamnées à l’issue de parodies de procès iniques, dans le but d’instiller la peur parmi la population et de mettre fin aux manifestations. Sur ces 26 personnes, au moins 11 sont condamnées à mort et 15 sont inculpées d’infractions punies de la peine capitale, et attendent leur procès ou comparaissent devant les tribunaux.

Des milliers de personnes ont été arrêtées et inculpées en marge des manifestations d’ampleur nationale, faisant craindre que beaucoup d’autres condamnations à mort ne soient prononcées en lien avec le mouvement de contestation. Dans le sillage de leur politique de longue date consistant à dissimuler les violations des droits humains et à chercher à déshumaniser les victimes, les autorités iraniennes n'ont pas révélé l'identité des personnes condamnées à mort. Dans le cadre de ses recherches, Amnistie Internationale a obtenu des informations permettant de confirmer les noms de 10 d’entre elles. On ne connaît pas l’identité de la 11e , condamnée lors du procès collectif de 16 accusés par un tribunal révolutionnaire dans la province d’Alborz. D’après les informations publiquement disponibles qui apportent des clarifications sur les condamnations de plusieurs accusés dans le cadre de cette affaire, il pourrait s’agir de l’une de ces personnes : Reza Arya, Mehdi Mohammadi, Shayan Charani, Mohammad Amin Akhlaghi, Reza Shaker Zavardahi, Javad Zargaran ou Behrad Ali Kenari.

Le 8 décembre, les autorités ont exécuté Mohsen Shekari, manifestant déclaré coupable d’« inimitié à l'égard de Dieu » (mohareb) à l’issue d’un procès inique, moins de trois mois après son arrestation. Le 12 décembre, un autre jeune homme, Majidreza Rahanvard, a été exécuté en public à Meched, dans la province du Khorassan-e Razavi. Condamné pour « inimitié à l’égard de Dieu » à l’issue d’un procès inéquitable, il a été exécuté moins de deux semaines après une seule audience au tribunal, le 29 novembre.

Les procès des personnes condamnées à mort dans le cadre des manifestations nationales n'ont rien d'une véritable procédure judiciaire. Les autorités iraniennes ont accéléré les procédures, certaines condamnations étant prononcées quelques jours seulement après l’ouverture du procès. Elles ont condamné à mort au moins quatre personnes pour des infractions telles que vandalisme, agression et incendie volontaire, ce qui constitue une autre violation grave du droit international, qui restreint l’usage de la peine capitale aux seuls « crimes les plus graves » impliquant un homicide volontaire. En outre, au moins 10 personnes encourant la peine de mort auraient été victimes de torture et de mauvais traitements. Saman Seydi (Yasin) a été roué de coups et exposé à un froid extrême dans le but de lui extorquer des « aveux », selon des informations recueillies par Amnistie Internationale. Dans le cas du médecin Hamid Ghare-Hasanlou, condamné à mort pour « corruption sur terre » le 5 décembre, moins d’une semaine après la clôture de son procès inique, des sources informées ont indiqué qu’il avait été torturé à plusieurs reprises pour lui arracher des « aveux » et qu’il avait dû être hospitalisé pour des côtes cassées, des difficultés respiratoires et une hémorragie interne au poumon, qui ont nécessité trois interventions chirurgicales. Au cours de son procès, Hamid Ghare-Hasanlou a montré au juge ses blessures résultant d’actes de torture, mais celui-ci n’a pas ouvert d’enquête. Les autorités judiciaires et chargées des poursuites s’appuient sur des « aveux » entachés de torture et des éléments de preuve obtenus en violation du droit international et des normes internationales pour émettre des actes d'inculpation et prononcer des jugements. Arrêté après avoir hébergé des manifestant·e·s au domicile de sa sœur à Téhéran, Akbar Ghafari a été, selon l’un de ses codétenus, torturé pour le contraindre à signer une déclaration, alors qu’il ne sait pas lire ; il a découvert par la suite que cette déclaration l'accusait faussement d’un meurtre. L'épouse de Hamid Ghare-Hasanlou a également été contrainte de faire des déclarations à charge contre lui, qui ont servi à le condamner lors de son procès. Elle est revenue sur ses « aveux » au tribunal.

En outre, les autorités privent les accusés passibles de la peine de mort du droit de consulter l’avocat de leur choix lors de la phase d’enquête et lors du procès, et empêchent les avocats désignés de manière indépendante de représenter leurs clients au tribunal et d’avoir accès aux dossiers et aux jugements. Le droit à la présomption d’innocence est régulièrement bafoué : les médias d’État ont en effet diffusé avant leurs procès les « aveux » forcés de plusieurs accusés risquant d’être exécutés. Dans le cas d’Amir Nasr Azadani, footballeur accusé d’une infraction passible de la peine de mort, à savoir « rébellion armée contre l'État », le 11 décembre 2022, dans une interview accordée à des médias officiels, le responsable du pouvoir judiciaire d’Ispahan l’a déclaré coupable avant son procès en ces termes : « L’accusé a sans équivoque avoué ses actes criminels. » Puis, alors que son procès était en cours, il a déclaré : « Il existe suffisamment de preuves établissant sa participation à un groupe armé ». Pour obtenir des informations détaillées sur les cas de toutes les personnes citées en première page de cette Action Urgente, veuillez cliquer sur : https://www.amnesty.org/en/documents/mde13/6308/2022/en/.

 

 

LETTRE À ENVOYER

Monsieur le Responsable du pouvoir judiciaire,

Je suis vivement préoccupé·e par le fait qu’au moins 26 personnes risquent d’être exécutées par les autorités iraniennes à l’issue de parodies de procès manifestement iniques, pour des accusations telles que « inimitié à l'égard de Dieu » (mohareb), « corruption sur terre » (ifsad fil Arz) et « rébellion armée contre l'État » (baghi), en lien avec les manifestations d’ampleur nationale. Au moins 11 d’entre elles ont été condamnées à mort : Sahand Nourmohammad-Zadeh, Mahan Sadrat (Sedarat) Madani et Manouchehr Mehman Navaz, jugés séparément par des tribunaux révolutionnaires à Téhéran ; ainsi que Mohammad Boroughani, Mohammad Ghobadlou et le rappeur kurde Saman Seydi (Yasin), jugés collectivement par un tribunal révolutionnaire à Téhéran. Les autorités ont aussi condamné à mort pour « corruption sur terre » Hamid Ghare-Hasanlou, Mohammad Mehdi Karami, Seyed Mohammad Hosseini, Hossein Mohammadi et une personne dont on ignore le nom lors du procès collectif de 16 accusés devant un tribunal révolutionnaire à Karaj, dans la province d’Alborz. Au moins 15 autres risquent elles aussi d’être exécutées. Il s’agit d’Abolfazl Mehri Hossein Hajilou, Mohsen Rezazadeh Gharagholou et Saeed Shirazi, jugés pour des infractions passibles de la peine capitale. Toutefois, aucune information n’a été rendue publique sur le verdict ni l’avancement de leur affaire. Les autres attendent leur procès ou comparaissent actuellement en justice pour des infractions passibles de la peine capitale. Il s’agit d’Akbar Ghafari et Toomaj Salehi à Téhéran ; Amir Nasr Azadani, Saleh Mirhashemi et Saeed Yaghoubi dans la province d’Ispahan ; Ebrahim Rigi (Riki), membre de la minorité baloutche d’Iran, et les frères Farzad (Farzin) Tahazadeh et Farhad Tahazadeh, Karwan Shahiparvaneh, Reza Eslamdoost, Hajar Hamidi et Shahram Marouf-Mola, de la minorité kurde d’Iran, dans la province de l’Azerbaïdjan occidental.

Ces 26 personnes n’ont pas bénéficié d’un procès équitable, qui englobe le droit à une défense adéquate, le droit de consulter l’avocat de son choix, d'être présumé innocent, de garder le silence et de bénéficier d'un procès public et équitable. D’après les informations dont dispose Amnesty International, au moins 10 d’entre eux, dont Hamid Ghare-Hasanlou, Toomaj Salehi et Mohammad Ghobadlou, ont été torturés et leurs « aveux » entachés de torture, comme ceux d’autres accusés, ont été retenus à titre de preuves. Les médias d'État ont diffusé les « aveux » forcés de plusieurs accusés avant leur procès.

Je vous prie instamment d'annuler immédiatement toutes les condamnations et les peines de mort, de vous abstenir de requérir de nouvelles condamnations à mort et de veiller à ce que toute personne accusée d'une infraction pénale prévue par la loi soit jugée dans le cadre d'une procédure conforme aux normes internationales d'équité, sans recours à la peine de mort. Je vous demande instamment de libérer toutes les personnes détenues pour avoir exercé pacifiquement leurs droits fondamentaux et de permettre aux détenu·e·s de voir leur famille et les avocats de leur choix, de les protéger contre la torture et les mauvais traitements et d'enquêter sur les allégations de torture, en vue de traduire les responsables de ces actes en justice dans le cadre de procès équitables. Par ailleurs, je vous demande d’accorder aux observateurs indépendants des ambassades en Iran l'accès aux procès des personnes passibles de la peine de mort en lien avec les manifestations. Enfin, je vous prie d’instaurer sans attendre un moratoire officiel sur les exécutions, première étape vers l’abolition de la peine capitale.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Responsable du pouvoir judiciaire, mes salutations distinguées.

APPELS À

Responsable du pouvoir judiciaire, Gholamhossein Mohseni Ejei 

c/o Ambassade d’Iran auprès de l’Union européenne

Avenue Franklin Roosevelt No. 15, 1050 Bruxelles, Belgique

COPIES À

Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères
111, rue Wellington
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Aucun timbre requis
Courriel:  melanie.joly@parl.gc.ca